Une "Figure" qualifie une époque et lui donne tout son sens. Pour Jünger quatre Figures se sont succédée: le Soldat, le Travailleur, le Rebelle et l'Anarque (*). La Figure crée de nouvelles normes d'influence, sait communiquer autour d'elles avec talent et convaincre les coeurs tièdes. Une autre Figure pourrait donc être envisagée aujourd'hui, celle du volontaire, héros nomade, agile, ordinaire et intranquille.
N'offrant prise ni au succès tapageur ni au pouvoir tant convoités par les aventuriers et les extatiques, il caresse l'objectif avec lucidité c'est à dire sans l'enlacer, en se tenant dans un écart dérangeant fait de tension et d'effort, tant il sait que la victoire actée peut vite se transformer en persécutions à venir ou déceptions amères. Concerné mais pas impliqué, il se méfie des clans sédentarisés et pétrifiés qui hiérarchisent et neutralisent la pensée, la rendent paresseuse, conformiste et totalitaire. Il veut rester maître de la sienne avec modération et mesure pour n'être jamais en second par rapport à lui-même.
Celui qui survivra et transmettra ne sera pas le plus fort mais le plus habile à s'adapter.
Il sait que sa récompense sera mince, faite de solitude, d'angoisses, de doutes et de manques; pourtant explorer et labourer les confins d'une liberté de plus en plus floutée est à ce prix exorbitant.
(*) A ce propos: "Ernst Jünger entre les dieux et les titans" (Alain de Benoist)