RECENSION: Aux trois règles de la guerre (décision politique, réflexion stratégique et exécution tactique), il faut maintenant ajouter la logistique et l’incertitude climatique que prend si bien en considération le Pr Pagney, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet dont « les climats, la bataille et la guerre » (2008) et « les guerres de partisans et les nouveaux conflits (2013).
L’ouvrage intitulé « l’incertitude climatique et la guerre » (Harmattan-2016) apparait comme un véritable prolongement de l’ouvrage de 2008 en ce sens que la question relative au changement climatique n’y avait pas été abordée.
L’Auteur est têtu ; le climat est un facteur essentiel qui peut également peser sur la vision stratégique du présent et du futur à travers la question de son réchauffement. Or, les climats ont pour milieu l’atmosphère et celui-ci est chaotique et peut modifier profondément l’environnement auquel le tacticien et le stratège sont confrontés. Autre donnée du problème : les technologies et l’accumulation d’informations n’effacent pas l’incertitude, ce qui revient à considérer que les chefs doivent composer avec elle, au moins en partie.
Partant de cette hypothèse, on pourrait retenir que tant les décisions désastreuses (par ex : l’affaire du Chemin des Dames en 1917 ou l’opération Barbarossa en 1941) que les décisions risquées mais finalement heureuses (le débarquement du 6 juin 1944, l’attaque hivernale de De Lattre de Tassigny en 1944 ou encore la décision nippo-américaine de se mesurer dans le Pacifique) sont toutes marquées du sceau de l’incertitude climatique.
En revanche, le réchauffement climatique est bien, lui, une certitude. Mais qui dit réchauffement climatique ne dit pas forcément changement climatique à l’échelle globale. Dès lors, dans une perspective militaire, l’Auteur considère deux cas de figures :
S’agissant de l’Arctique, son réchauffement ne devrait pas révolutionner les grandes routes maritimes du globe et ne devrait pas non plus modifier fondamentalement les caractéristiques des affrontements militaires. Seul facteur incontournable, le raccourcissement des distances séparant les deux grandes nations de la région : les USA et la Russie. Ainsi, dans ce milieu maritime toujours hostile, les mouvements de forces nucléaires resteraient-ils pertinents.
S’agissant de l’Arc de crise Saharo-arabique et si l’on considère le temps long, on constate que c’est surtout la parcellisation ethnique, tribale, linguistique et religieuse qui a induit des affrontements que la colonisation a estompé mais sans les effacer. Au Moyen-Orient, il faut donc superposer cet état de fait aux découpages territoriaux dont l’Occident est responsable. En Afrique, le grand facteur de déstabilisation a été l’esclavage entre africains victimes de la traite et africains responsables par rabattage mais, là aussi, les découpages arbitraires de certains états ont provoqué des situations inextricables de certaines ethnies rivales se retrouvant sur le même Territoire. A ces facteurs de déstabilisation historiques anciens et récents il faut donc aussi ajouter le spectre des risques liés au réchauffement climatique tant du fait des répartitions inégales des ressources en eau que de conditions climatiques souvent excessives par abondance ou indigence pluviale. On pourra en conclure que dans l’Arc Saharo-arabique, les tensions risquent donc de s’aggraver autour de l’eau même si la crise régionale ne relève pas majoritairement du stress climatique.
Dès lors la problématique du réchauffement n’impacte pas de façon prégnante l’Occident sauf peut-être à considérer l’afflux de migrants venus des pays secs mais sans qu’on puisse, là encore, à proprement parler de réfugiés climatiques.
(Librement conclu d’après l’ouvrage du Pr Pierre Pagney: " L’incertitude climatique et la guerre " édit. Harmattan - 2016)