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Elle était une des rares femmes qui portait un fusil en bandoulière sur sa salopette bleue d’ouvrière et un pistolet de fabrication russe, un Nagant je crois,

Rosa Luxemburg

glissé dans l’épaisse ceinture marron de son pantalon. Quand elle m’interpella, c’était pour attaquer d’emblée : je t’ai bien observé discutailler avec celui que je considère comme le plus paumé d’entre nous ; Hugo, l’aventurier embourgeoisé qu’on imaginerait facilement à la barre mais coiffé d’un bonnet de nuit, bien incapable d’endosser un statut d’aventureux  authentique en mouvement ; il enchaine les aventures comme on ferait d’une carrière à gérer, sans accepter de se livrer au vrai risque, celui qui cogne durablement.

Hugo est déjà fini, foutu, crevé ; notre efficacité collective, pour tous ceux de son espèce, simples aventuriers solitaires et rêveurs aux yeux ouverts ou encore anarchistes libertaires isolés, a déjà la solution ; elle les dévorera vite fait et ce faisant, bien pensée qu’elle est par des hommes « du dedans », elle retiendra le meilleur d’eux, c’est à dire leur courage, leur panache et aussi pour certains, pourquoi pas, une certaine séduction devenue pourtant pathétiquement anachronique. Son isolement, sa solitude et jusqu’à la vulnérabilité qu’il craint et envisage déjà pour son enveloppe charnelle et sa dégradation fantasmée le rattraperont en dépit de ses gesticulations incantatoires et des soins constants qu’il lui prodigue. Ses actes ne sont plus dictés que par ses passions, marqués d’un aventurisme de mauvais augure où l’attrait d’une mort qu’il voit comme salvatrice est sans cesse présent... Pour moi, il traine une problématique non résolue et ça, ce n’est pas bon pour nous, il porte la poisse, c’est le lapin du bord. Allez une fois pour toutes, admettons-le : il appartient aux « derniers aventuriers…après eux il n’y aura plus que des militants » (Portrait de l'aventurier - 1950)

Et donc, si Hugo, peut inspirer une certaine pitié, tant il tient pour vrai ce qui n’est que probable, c’est du ressentiment ou même du mépris que l’attitude d’Ethan provoque : « falso », biaiseur sans convictions réelles, ses motivations sur sa présence ici restent floues. En fait, il est toujours prêt à bruler ce qu’il a adoré et à adorer ce qu’il a brulé. Il n’a pas les vertus de l’attachement. Il trahira un jour c’est sûr mais qui, quoi et quand, tout est question de moment selon lui ; il dira qu’il est des circonstances où trahir c’est faire preuve de courage. Le résultat abouti ne l’intéresse pas, il teste, n’applique pas une méthode ou une doctrine mais plutôt un savoir-faire. Il m’agace et je sais qu’il dérange Hugo aussi. On en lui en veut doublement d’être ici : pour sa différence d’abord, ça, c'est normal, mais aussi surtout parce qu’elle est à peine perceptible. De fait, il n’y va que d’une fesse. Et puis, cette manière de prétendre effleurer le succès sans s’y arrêter, ça doit être le reflet d’une peur de mal-aimé qui s’imagine n’y avoir pas droit, ne pas le mériter. Il veut rompre, se rendre liquide, et continuer à rayonner pourtant, mais de loin.

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